vendredi 20 avril 2018

Article à paraître dans MEDIAPARKS : Yann F., portrait d'un Brétilien peu ordinaire

Dick Scott, Punks on the Kings Road, west London, 1981

Une drôle d'interview
Le 27 mars dans l'après-midi, dans le but de rédiger un article dans le prochain numéro de la revue Mediaparks à laquelle nous collaborons cette année, nous avions rendez-vous avec Yann F., habitant de St-Rémy-du-Plain en Ille-et-Vilaine pour rencontrer cette personne qui vit « à la marge » ; mais ce jour-là, Yann a eu un empêchement : son ami, Xavier Diaz, aujourd'hui surveillant à Rosa Parks, nous a raconté son histoire : c'est donc son témoignage que nous vous livrons !

Le mouvement punk et l’engagement de Yann F.
Yann est un homme peu ordinaire : il porte une crête verte et rose sur la tête ainsi que des pantalons troués et des piercings : autant dire que son allure suscite les réactions des passants ! Yann a toujours été attiré par le mouvement punk, mouvement né dans les années 1970 en Angleterre, dans le sillage de mai 1968, en réaction au mouvement hippie et baba-cool. Les hippies portaient les cheveux longs, les punks auront le crâne rasé (« skinhead »);
Les hippies écoutaient de la musique plutôt douce : les punks écouteront du métal, une musique plus industrielle, plus en phase avec leur environnement, la ville.
Le mouvement punk est un mouvement anarchiste, pour ses adeptes les États ne sont pas dans le vrai et écrasent l'individu.

L'engagement personnel de Yann vient de ses parents, sensibles aux idées révolutionnaires de mai 68 et éducateurs qui sont confrontés à la misère sociale et à la délinquance dans leur pratique professionnelle. Comme ils partagent beaucoup avec leurs trois enfants, ceux-ci auront tous trois une vie « hors système ».

Un punk à la campagne
Yann habite dans la ville de Saint-Rémy-du-Plain, à 30 km de Rennes; parmi les 834 habitants que compte Saint-Rémy-du-Plain, il est propriétaire d'un terrain sur lequel il a construit une cabane avec une douche (à l'italienne ! ), une cuisine. Il possède aussi une caravane pour le couchage.
La construction et les aménagements intérieurs ont été très bien pensés et réalisés car il a de nombreux savoir-faire.

D'abord les autres, et lui après...

Même si Yann rejette l'ordre social et l'autorité de l’Etat, il est lié aux autres, ce n'est pas un ermite. Pendant ses voyages, il a rencontré beaucoup de gens et a de nombreux amis, pourtant il n'a pas Internet ! Dans sa cabane, beaucoup de personnes viennent le voir. Yann aime rendre service aux personnes : il a retapé toute la maison de sa voisine, une vieille dame sans famille. Il a aussi envoyé la moitié de sa paie à sa sœur pour qu'elle puisse financer une formation. Même si il n'a pas beaucoup d'argent, il est très généreux envers les autres. Quand il a donné son salaire à sa sœur, Xavier nous raconte qu'il ne pense pas au lendemain. Yann est aussi capable de donner son temps pour des causes qui lui tiennent à cœur : il a ainsi séjourné dans la ZAD de Notre Dame des Landes aux côtés des militants anti-aéroport. Finalement, on peut être contre l'ordre social mais altruiste.

La liberté de travailler quand il veut
Yann essaie de vivre le plus longtemps possible sans travailler. Il essaie de trouver à l'absence de travail une autre voie que celle de la délinquance ou du RSA. Donc il pratique le troc. Pour obtenir le livre dont il a très envie, il ne cherchera à l’acquérir que s'il parvient à l'échanger avec quelqu'un en rendant des services. Il pratique le troc avec des bibliothèques par exemple. Il récupère aussi de la nourriture, souvent dans les poubelles de supermarchés mais il peut faire 60 kilomètres pour en donner aux gens dans le besoin.
Il vit avec ce qui lui est nécessaire, n'a pas de réserves alimentaires très importantes : il ne possède donc que le minimum et il ne cherche pas à avoir plus.
Pour lui, le travail doit être choisi uniquement pour assurer la satisfaction des besoins essentiels de l’existence. Pour lui, gagner plus de 1000 euros par mois n’aurait aucun intérêt et serait un signe d'égoïsme.
Il a exercé beaucoup de métiers différents qu’il a toujours choisis :
Il a travaillé très jeune puisqu'il n'est pas allé au bout de sa scolarité. Ces expériences étaient très éprouvantes : il a ainsi été marin pendant 3 mois sur un bateau-usine, cela lui a permis de gagner 15 000 euros et avec cela d'acheter un terrain. Il est essentiel pour lui de ne pas avoir à payer un loyer, c'est contraire à son idéologie.
Sur un coup de tête, il a décidé d'aller dans les Alpes où il a gardé des vaches en vivant seul dans une cabane loin de la société.



Des voyages pour découvrir le monde … et décompresser !
Lors de son premier voyage Yann s'est rendu en Mongolie. La distance entre la Mongolie et la France est impressionnante, distance qu'il a parcourue seul, avec pour unique moyen de transport un camion. Par une température moyenne de -20°c en hiver, sa seule source de chaleur fut le poêle installé dans son camion. Le voyage est une manière pour Yann de se ressourcer.
Quelques années plus tard, il passera également un hiver en Europe de l'est : « il repousse toujours ses limites », avoue son ami, mais aussi : « dès qu'il sent qu'il va exploser, il part loin ». Son ami nous confie également qu'il a de nouveaux projets, comme partir au Groenland, puis découvrir la côte bretonne en caravane avec sa compagne. Xavier, l'ami de Yann dit lui-même «qu'il n'oserait jamais partir à l'aventure et vivre comme Yann le fait ». « Les voyages sont importants pour lui ». Oser vivre d’une telle manière, n’est pas facile, c’est un mode de vie très différent. Ce n’est pas un nomade mais il y a quelques similitudes entre son mode de vie et celui d’un nomade : le fait d’avoir besoin de partir à la découverte, de ne pas tomber dans la routine font partie des pensées essentielles de Yann.