Dick Scott, Punks on the Kings Road, west London, 1981 |
Une
drôle d'interview
Le
27 mars dans l'après-midi, dans le but de rédiger un article dans le prochain numéro de la revue Mediaparks à laquelle nous collaborons cette année, nous avions rendez-vous avec Yann F.,
habitant de St-Rémy-du-Plain en Ille-et-Vilaine pour rencontrer cette personne qui vit « à
la marge » ; mais ce jour-là, Yann a eu un empêchement :
son ami, Xavier Diaz, aujourd'hui surveillant à Rosa Parks, nous a
raconté son histoire : c'est donc son témoignage que nous vous
livrons !
Le
mouvement punk et l’engagement de Yann F.
Yann
est un homme peu ordinaire : il porte une crête verte et rose
sur la tête ainsi que des pantalons troués et des piercings :
autant dire que son allure suscite les réactions des passants !
Yann a toujours été attiré par le mouvement punk, mouvement né
dans les années 1970 en Angleterre, dans le sillage de mai 1968, en
réaction au mouvement hippie et baba-cool. Les hippies portaient
les cheveux longs, les punks auront le crâne rasé (« skinhead »);
Les
hippies écoutaient de la musique plutôt douce : les punks
écouteront du métal, une musique plus industrielle, plus en phase
avec leur environnement, la ville.
Le
mouvement punk est un mouvement anarchiste, pour ses adeptes les
États ne sont pas dans le vrai et écrasent l'individu.
L'engagement
personnel de Yann vient de ses parents, sensibles aux idées
révolutionnaires de mai 68 et éducateurs qui sont confrontés
à la misère sociale et à la délinquance dans leur pratique
professionnelle. Comme ils partagent beaucoup avec leurs trois
enfants, ceux-ci auront tous trois une vie « hors système ».
Un
punk à la campagne
Yann habite dans la ville de Saint-Rémy-du-Plain, à 30 km de
Rennes; parmi
les 834 habitants que compte Saint-Rémy-du-Plain, il est
propriétaire d'un terrain sur lequel il a construit une cabane avec
une douche (à l'italienne ! ), une cuisine. Il possède aussi une caravane pour le couchage.
La
construction et les aménagements intérieurs ont été très bien
pensés et réalisés car il a de nombreux savoir-faire.
D'abord
les autres, et lui après...
Même
si Yann rejette l'ordre social et l'autorité de l’Etat, il est lié
aux autres, ce n'est pas un ermite. Pendant ses voyages, il a
rencontré beaucoup de gens et a de nombreux amis, pourtant il n'a
pas Internet ! Dans sa cabane, beaucoup de personnes viennent le
voir. Yann aime rendre service aux personnes : il a retapé toute la
maison de sa voisine, une vieille dame sans famille. Il a aussi
envoyé la moitié de sa paie à sa sœur pour qu'elle puisse
financer une formation. Même si il n'a pas beaucoup d'argent, il est
très généreux envers les autres. Quand il a donné son salaire à
sa sœur, Xavier nous raconte qu'il ne pense pas au lendemain. Yann
est aussi capable de donner son temps pour des causes qui lui
tiennent à cœur : il a ainsi séjourné dans la ZAD de Notre
Dame des Landes aux côtés des militants anti-aéroport. Finalement,
on peut être contre l'ordre social mais altruiste.
La
liberté de travailler quand il veut
Yann
essaie de vivre le plus longtemps possible sans travailler. Il essaie
de trouver à l'absence de travail une autre voie que celle de la
délinquance ou du RSA. Donc il pratique le troc. Pour obtenir le
livre dont il a très envie, il ne cherchera à l’acquérir que
s'il parvient à l'échanger avec quelqu'un en rendant des services.
Il pratique le troc avec des bibliothèques par exemple. Il récupère
aussi de la nourriture, souvent dans les poubelles de supermarchés
mais il peut faire 60 kilomètres pour en donner aux gens dans le
besoin.
Il
vit avec ce qui lui est nécessaire, n'a pas de réserves
alimentaires très importantes : il ne possède donc que le
minimum et il ne cherche pas à avoir plus.
Pour
lui, le travail doit être choisi uniquement pour assurer la
satisfaction des besoins essentiels de l’existence. Pour lui,
gagner plus de 1000 euros par mois n’aurait aucun intérêt et
serait un signe d'égoïsme.
Il
a exercé beaucoup de métiers différents qu’il a toujours
choisis :
Il
a travaillé très jeune puisqu'il n'est pas allé au bout de sa
scolarité. Ces expériences étaient très éprouvantes : il a ainsi
été marin pendant 3 mois sur un bateau-usine, cela lui a
permis de gagner 15 000 euros et avec cela d'acheter un terrain. Il
est essentiel pour lui de ne pas avoir à payer un loyer, c'est
contraire à son idéologie.
Sur
un coup de tête, il a décidé d'aller dans les Alpes où il a
gardé des vaches en vivant seul dans une cabane loin de la société.
Des
voyages pour découvrir le monde … et décompresser !
Lors
de son premier voyage Yann s'est rendu en Mongolie. La distance entre
la Mongolie et la France est impressionnante, distance qu'il a
parcourue seul, avec pour unique moyen de transport un camion. Par
une température moyenne de -20°c en hiver, sa seule source de
chaleur fut le poêle installé dans son camion. Le voyage est une
manière pour Yann de se ressourcer.
Quelques
années plus tard, il passera également un hiver en Europe de
l'est : « il repousse toujours ses limites », avoue son
ami, mais aussi : « dès qu'il sent qu'il va exploser, il part loin
». Son ami nous confie également qu'il a de nouveaux projets,
comme partir au Groenland, puis découvrir la côte bretonne en
caravane avec sa compagne. Xavier, l'ami de Yann dit lui-même «qu'il
n'oserait jamais partir à l'aventure et vivre comme Yann le fait ».
« Les voyages sont importants pour lui ». Oser vivre d’une
telle manière, n’est pas facile, c’est un mode de vie très
différent. Ce n’est pas un nomade mais il y a quelques similitudes
entre son mode de vie et celui d’un nomade : le fait d’avoir
besoin de partir à la découverte, de ne pas tomber dans la routine
font partie des pensées essentielles de Yann.